L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 36-8, R. 11-1 et D. 97-4 ;
Vu la loi no 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications ;
Vu la décision no 97-57 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 26 mars 1997 portant règlement intérieur, notamment son chapitre II, modifiée par les décisions no 97-234 du 30 juillet 1997 et no 99-118 en date du 9 février 1999 ;
Vu la saisine, enregistrée le 1er décembre 1998, présentée par la Société française du radiotéléphone (SFR) ... et relative à un différend qui l'oppose à France Télécom ;
Vu les différents échanges entres les parties ;
Après avoir entendu le rapport présenté par Mme Cécile Dubarry, service Licences et interconnexion, en présence de M. Ivan Luben, chef du service juridique, M. Jérôme Wagner, services Licences et interconnexion, et Mme Ingrid Malfait, service Economie et concurrence ;
Après en avoir délibéré, le 1er mars 1999, hors la présence du rapporteur et des collaborateurs susmentionnés, lors d'une réunion du collège composé de M. Jean-Michel Hubert, président, et de MM. Roger Chinaud, Dominique Roux et Bernard Zuber,
I. - Sur le contexte du différend
SFR et France Télécom font état d'un différend relatif aux conditions d'interconnexion applicables pour le trafic entrant national et le trafic entrant international. Il apparaît tout d'abord nécessaire de préciser le sens du vocabulaire employé.
Le code des postes et télécommunications définit au 9o de son article L. 32 l'interconnexion entre réseaux ouverts au public comme étant « l'ensemble des prestations réciproques offertes par deux exploitants de réseaux ouverts au public qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de communiquer entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés (...) ». L'article L. 34-8 du même code dispose que « les exploitants de réseaux ouverts au public font droit, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes d'interconnexion des titulaires d'une autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 ».
SFR est un opérateur de réseau ouvert au public et propose à ses clients un service de radiotéléphonie qui leur permet, notamment, d'être appelés sur leur terminal mobile lorsqu'ils se trouvent dans la zone de couverture de l'opérateur. L'ensemble du trafic correspondant aux appels effectués vers ces utilisateurs mobiles est communément désigné sous le vocable de « trafic entrant sur le réseau de SFR », ou plus simplement de « trafic entrant ».
Ces appels peuvent provenir de différentes catégories d'utilisateurs, en sorte que différents types de trafic peuvent être distingués. Il s'agit par exemple des appels issus des abonnés de France Télécom, des appels issus du réseau d'un autre opérateur établi sur le territoire français ou de réseaux étrangers. Le différend qui oppose les deux parties est relatif à deux types particuliers de trafic : le trafic correspondant aux appels issus d'abonnés au réseau fixe de France Télécom et destinés à des utilisateurs du réseau mobile SFR, appelé ci-après « trafic entrant national », et le trafic en provenance d'opérateurs étrangers transmis à France Télécom puis à SFR, appelé ci-après « trafic entrant international ».
Enfin, le président de l'Autorité avait annoncé le 19 novembre 1998 la tenue d'une table ronde entre l'Autorité et les acteurs concernés sur les appels entrant dans les réseaux mobiles. Une première réunion s'est tenue le 12 février 1999 à l'issue de laquelle les participants se sont donné pour objectif d'aboutir, dans un délai de trois mois, à l'adoption d'orientations communes et à l'application des premières mesures.
II. - Sur la formation du différend
Exposé des conclusions et des moyens :
Dans sa saisine, enregistrée le 1er décembre 1998, SFR rappelle le contexte de ses relations d'interconnexion avec France Télécom depuis 1991.
SFR décrit le déroulement de ses négociations d'interconnexion avec France Télécom. Elle lui reproche d'avoir retardé le début des négociations relatives aux conditions applicables après le 1er janvier 1998, ces négociations n'ayant été engagées que le 11 septembre 1997.
Elle lui reproche également d'avoir suspendu unilatéralement les négociations le 29 septembre 1997, ce qui a nécessité une intervention de l'Autorité par lettre en date du 14 octobre 1997. SFR s'estime victime d'une stratégie de retardement menée par France Télécom pendant les mois d'octobre et de novembre 1997, dans la prise en compte des commandes de liaisons de raccordements passées par SFR.
SFR ajoute que les négociations menées entre décembre 1997 et février 1998 n'ont pas permis d'aboutir à un accord, France Télécom refusant de la faire bénéficier, pour les appels de France Télécom vers SFR, d'une prestation d'interconnexion conforme à son catalogue approuvé par l'Autorité.
SFR explique que des négociations globales, portant à la fois sur le trafic entrant national et sur le trafic entrant international, ont repris entre février et mai 1998. SFR indique qu'un accord sur ces deux aspects n'a pas pu être trouvé par les parties et que France Télécom, ayant transmis en juillet un dossier à l'Autorité, a refusé de continuer les négociations.
SFR se plaint enfin que France Télécom ait refusé de négocier le montant de sa rémunération pour « peines et soins ».
SFR demande en conséquence à l'ART de constater l'échec de ses négociations d'interconnexion à la fois sur le trafic entrant national et sur le trafic entrant international, ainsi que le refus de France Télécom d'engager des négociations sur le niveau de sa rémunération pour « peines et soins ».
Concernant le champ de la saisine, SFR demande à l'Autorité de constater et de décider que :
a) Les parties n'ont pu parvenir à aucun accord sur le tarif de leurs prestations d'interconnexion réciproques depuis l'expiration de l'avenant no 4 concernant le trafic entrant national et le trafic entrant international ;
b) France Télécom doit satisfaire les demandes d'interconnexion de SFR à ses PRO pour l'acheminement du trafic entrant national vers le réseau GSM F2. Les commandes de SFR de liaisons de raccordement et/ou de colocalisation doivent être mises en oeuvre dans un délai de trois à six mois fixé par SFR et dans le respect de la convention d'interconnexion. En cas de non-respect de ce délai, sauf si le retard est imputable à SFR, France Télécom doit être tenue de verser à SFR, à titre d'astreinte conventionnelle, une somme de 10 000 F HT par jour de retard et par PRO ;
c) Le tarif d'interconnexion de France Télécom pour le trafic entrant national vers le réseau GSM F2 de SFR doit être fondé sur le catalogue d'interconnexion de France Télécom approuvé par l'ART tel qu'applicable au service d'interconnexion indirecte ;
d) Le tarif d'interconnexion de SFR pour le trafic entrant international peut être fixé par SFR à ... (1). A l'issue d'une période transitoire dont le terme sera fixé à six mois après la notification aux parties de la décision de l'ART, SFR sera en droit de réévaluer le montant de sa redevance d'interconnexion pour l'aligner sur son tarif d'interconnexion applicable aux terminaisons d'appel sur son réseau. A défaut d'accord entre les parties sur ce tarif, il pourra en être référé à l'ART ;
e) La redevance rémunérant France Télécom pour sa prestation de facturation pour compte de tiers doit lui assurer la rémunération des coûts suivants :
- prorata des frais de recouvrement et du coût des impayés de ses factures imputables au trafic entrant national, vers le service GSM F2 ;
- coût marginal d'ajout sur ses factures d'une ligne relative aux appels vers les mobiles SFR.
A défaut d'obtenir de France Télécom les éléments comptables nécessaires à l'évaluation des coûts relatifs, dans les délais fixés par l'ART dans le cadre de l'examen de la présente saisine, SFR demande à l'ART de fixer un montant provisionnel et de désigner tel expert qui lui plaira aux frais de France Télécom aux fins d'évaluer les coûts susvisés. Dans ce cas, l'ART précisera le montant définitif de la redevance pour facturation pour compte de tiers dans les quinze jours suivant le dépôt du rapport de l'expert, les parties procédant à une régularisation des paiements dans les quinze jours suivants ;
f) Les parties concluront un avenant à la convention d'interconnexion dans les trente jours de la présente décision afin de mettre cette convention en conformité avec la décision. En cas de difficulté, il pourra en être référé à l'ART.
...
III. - Sur la recevabilité de la demande
Pour les motifs suivants :
Aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, « en cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties ».
L'Autorité constate que les parties ont signé un protocole d'accord le 23 avril 1997 contenant des dispositions relatives à l'évolution de leur convention d'interconnexion, qui s'est traduit par un avenant à la convention d'interconnexion dont la durée d'application était limitée à l'année 1997. SFR estime que les négociations relatives à la convention d'interconnexion pour 1998 ont débuté en septembre 1997, ce que France Télécom n'a pas démenti. Les pièces produites par les parties montrent que les sujets évoqués par SFR dans sa saisine ont effectivement été abordés et débattus par les parties au cours de leur négociation.
L'Autorité estime en conséquence établi qu'il y a eu échec des négociations commerciales ou désaccord entre les parties sur les différents points mentionnés dans la saisine de SFR. En particulier, il apparaît que, conformément à la position exprimée par SFR dans ses observations enregistrées le 25 janvier 1999, des négociations sur le sujet du trafic entrant international ont bien eu lieu et n'ont pas abouti. Le fait que la négociation sur ce type de trafic ait pu être mêlée à une négociation globale concernant également d'autres points est sans influence sur la recevabilité de la demande sur ce point.
L'Autorité écarte donc l'exception d'irrecevabilité opposée par France Télécom à l'encontre des conclusions de SFR relatives au trafic entrant international.
IV. - Sur la demande de report du délai de réponse
présentée par France Télécom
France Télécom, par une lettre reçue le 26 février 1999, a sollicité un délai courant jusqu'au 2 mars 1999 afin d'être en mesure de répondre aux observations présentées par SFR enregistrées le 22 février 1999. Ces observations, au dire même de France Télécom, n'apportent aucun élément nouveau concernant le différend ; elles se bornent à donner des précisions portant notamment sur la situation existante au Royaume-Uni et sur l'incidence financière pour France Télécom de la pratique du reroutage international. Par suite, la circonstance que France Télécom, qui au demeurant a reçu le mémoire de SFR le 24 février 1999, n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour y répondre ne méconnaît pas le principe du contradictoire dès lors que le mémoire de SFR ne contenait ni conclusions ni moyens nouveaux. En outre, la saisine de SFR ayant été déposée le 1er décembre 1998, le délai de trois mois fixé par l'article R. 11-1 du code des postes et télécommunications dans lequel l'Autorité doit se prononcer expirait le 1er mars 1999.
V. - Sur le schéma d'interconnexion
pour le trafic entrant national
...
Pour les motifs suivants :
L'Autorité examine ci-après les différents arguments invoqués par SFR qui pourraient conduire à imposer à France Télécom de fournir l'interconnexion à SFR pour les appels entrants nationaux. Ces éléments sont de deux types : il s'agit du cahier des charges de SFR qui pourrait lui ouvrir des droits particuliers au regard de l'interconnexion de son réseau avec celui de France Télécom ou d'engagements pris par France Télécom, soit dans son catalogue d'interconnexion, soit dans le cadre de ses relations contractuelles avec SFR.
a) Sur la portée des dispositions du cahier des charges de SFR :
Le cahier des charges de SFR, dans sa rédaction annexée à l'arrêté du 25 mars 1991, prévoit en son paragraphe 1.1 que « (...), un poste de ce réseau de radiocommunication publique, situé dans la zone de couverture du service, est accessible à l'ensemble des abonnés aux réseaux téléphoniques commutés national et international ». Cette disposition a été reprise dans le paragraphe 1.2 du cahier des charges annexé à l'arrêté du 18 novembre 1998, qui prévoit que « ce service permet également à un client de l'opérateur situé dans la zone de couverture du réseau d'être joint par l'ensemble des clients des autres réseaux ouverts au public ».
Le cahier des charges de SFR, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 15 décembre 1994 et reprise dans l'arrêté du 18 novembre 1998, prévoit par ailleurs en son paragraphe 9.2.3.3.1 que « A l'intérieur du territoire métropolitain, le coût de l'appel d'un abonné téléphonique ou d'un publiphone à destination d'un poste radioélectrique, dont le tarif est fixé par l'exploitant, est totalement imputé au poste demandeur. (...) France Télécom versera à l'exploitant une rémunération pour le trafic entrant dans le réseau de l'exploitant. Les principes d'évaluation de cette rémunération seront fixés dans la convention ».
L'Autorité considère que si ces dispositions établissent bien que le réseau de SFR et celui de France Télécom doivent être interconnectés afin de permettre l'acheminement du trafic de France Télécom vers SFR, elles n'imposent pas pour autant à France
Télécom d'offrir à SFR une prestation d'interconnexion.
b) Sur les engagements découlant du catalogue d'interconnexion de France Télécom :
L'Autorité considère que le catalogue de France Télécom qu'elle a approuvé n'impose pas à cette dernière de fournir une prestation d'interconnexion à SFR.
Le catalogue mentionne, en effet, les cas visés par l'offre d'interconnexion indirecte, c'est-à-dire la sélection de l'opérateur longue distance (pages 5, 6, 8 et 10 des catalogues d'interconnexion 98 et 99) et l'offre d'accès aux services spéciaux (page 24 du catalogue d'interconnexion 99), mais ne mentionne pas les appels entrants nationaux sur les réseaux mobiles. France Télécom ne s'est donc nullement engagée à fournir aux opérateurs mobiles la prestation d'interconnexion indirecte de son catalogue d'interconnexion pour les appels entrants nationaux. Ainsi, et en tout état de cause, il n'est donc pas nécessaire de déterminer si le trafic entrant national correspond à la définition de principe de l'interconnexion indirecte énoncée dans le catalogue de France Télécom.
L'Autorité précise en outre que les termes du courrier du 14 octobre 1997 de son président, dans lequel celui-ci indique à France Télécom que le catalogue s'applique à SFR, ne sauraient être interprétés comme reconnaissant le droit à SFR de bénéficier de l'offre d'interconnexion indirecte pour le trafic de France Télécom vers SFR, mais bien comme le droit de bénéficier des prestations d'interconnexion prévues au catalogue d'interconnexion, pour autant qu'elles s'appliquent. Il signifie seulement que SFR pouvait bénéficier de l'interconnexion directe pour les appels sortant de son réseau vers celui de France Télécom, point qui faisait à l'époque l'objet de discussions entre les parties.
c) Sur les engagements de France Télécom dans sa convention avec SFR :
L'Autorité considère également que la convention d'interconnexion et ses avenants conclus entre France Télécom et SFR ne créent pas pour France Télécom une obligation d'offrir l'interconnexion à SFR pour les appels provenant du réseau de France Télécom à destination de celui de SFR.
En effet, la convention et ses avenants 1 et 2 décrivent les sommes reversées à SFR comme étant les sommes facturées aux abonnés de France Télécom, diminuées des montants revenant à France Télécom. Cette description des modalités financières de l'interconnexion n'implique pas un engagement de France Télécom sur un schéma d'interconnexion particulier. En particulier, France Télécom ne s'est pas engagée à aligner systématiquement sa rémunération pour l'acheminement du trafic entrant sur celle perçue pour le trafic sortant : France Télécom a accepté une rémunération globale qui tenait compte d'un ensemble de paramètres indissociables dont, notamment, la somme retenue au titre des « peines et soins » qui avait pour objet, comme l'indique France Télécom dans ses observations en défense enregistrées le 11 février 1999, « précisément de donner un complément de rémunération à France Télécom ».
Le fait que France Télécom livre le trafic à destination du réseau de SFR au plus près de l'appelant ne constitue pas davantage un argument permettant de conclure que France Télécom s'est engagée sur un schéma d'interconnexion particulier. En effet, cette modalité d'acheminement du trafic résulte seulement du fait que la localisation des terminaux, changeante par définition, ne peut, en l'état des techniques existantes à l'époque, être connue que du seul opérateur mobile.
D'autre part, l'Autorité estime que l'évolution du cadre réglementaire et du contexte économique et financier résultant de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 constitue un élément dont France Télécom peut se prévaloir pour demander que soient reconsidérés les principes d'évaluation de cette rémunération, comme le prévoit la convention et ses avenants, en cas d'évolutions du contexte réglementaire. Elle note à cet égard que France Télécom a demandé à SFR dans son courrier en date du 12 décembre 1997 de « proposer le tarif d'interconnexion qu'elle souhaite recevoir, en 1998, pour la terminaison des appels initiés dans le réseau de France Télécom ».
Enfin, s'agissant du protocole du 23 avril 1997 traduit dans l'avenant 4 à la convention, l'Autorité constate que ce texte avait une valeur transitoire clairement limitée dans le temps jusqu'au 31 décembre 1997 et qu'au surplus les parties ont convenu qu'elles ne pourraient pas se prévaloir des conditions d'interconnexion décrites pour légitimer les règles d'interconnexion et les faire perdurer. Ces conditions ne sauraient par conséquent être utilement invoquées par les parties.
d) Sur le schéma d'interconnexion :
Il résulte de ce qui précède qu'aucune disposition réglementaire ou stipulation contractuelle particulière n'impose à France Télécom de proposer à SFR une offre d'interconnexion pour les appels entrants.
En conséquence, il y a lieu, au cas présent, d'appliquer les règles habituelles en matière d'interconnexion.
Aux termes mêmes de la saisine de SFR concernant le trafic entrant international, « en l'absence de règle particulière... », « c'est sur les seules règles habituelles applicables en matière d'interconnexion ... que la facturation de ces appels doit être traitée. Ainsi, il convient de considérer que, dans le cadre de ces appels, SFR rend à France Télécom une prestation d'interconnexion dite de "terminaison d'appel", c'est-à-dire d'acheminement du trafic depuis le point d'interconnexion entre le réseau de France Télécom et le réseau de SFR, jusqu'à l'endroit où se trouve le mobile qui doit recevoir cet appel ».
Un tel schéma d'interconnexion s'inscrit dans le cadre de la définition de la notion d'interconnexion donnée au 9o de l'article L. 32 précité du code des postes et télécommunications.
De telles modalités d'interconnexion sont également conformes aux termes de la communication de la commission publiée au Journal officiel des Communautés européennes no C 84 du 19 mars 1998 relative à la tarification de l'interconnexion dans un marché des télécommunications libéralisé qui précise que « la directive interconnexion ne réglemente pas le prix de la terminaison d'appel sur un réseau mobile, sauf (et uniquement) lorsque l'opérateur "mobile" est désigné comme puissant sur la marché national de l'interconnexion », la terminaison d'appel étant définie comme « l'acheminement d'une communication provenant d'un réseau vers son destinataire sur un autre réseau ».
Ainsi, l'Autorité estime que SFR doit proposer à France Télécom une offre d'interconnexion pour la terminaison des appels issus du réseau de France Télécom et destinés aux abonnés de SFR.
VI. - Les conclusions de SFR concernant la prestation
de facturation pour compte de tiers
...
Pour les motifs suivants :
L'Autorité estime que le désaccord des parties sur ce point est accessoire à celui sur le trafic entrant national. Le principe d'une rémunération de France Télécom pour une prestation de facturation pour compte de tiers dépend du schéma d'interconnexion retenu entre les parties pour le trafic entrant national.
Par voie de conséquence de la réponse apportée à la question relative au schéma d'interconnexion des appels entrants nationaux, l'Autorité considère que France Télécom n'a donc pas à fournir de prestation pour compte de tiers au titre de la facturation et que les conclusions de SFR concernant la fixation par France Télécom d'un prix rémunérant une telle prestation pour ces appels ne peuvent qu'être rejetées.
VII. - Sur la demande concernant l'architecture
d'interconnexion entre France Télécom et SFR
...
Pour les motifs suivants :
L'Autorité constate que, dans le schéma d'interconnexion retenu par la présente décision pour les appels entrants nationaux, les deux parties s'accordent sur le fait que SFR doit proposer, dans le cadre de la convention d'interconnexion avec France Télécom, les points de son réseau qu'elle souhaite ouvrir à l'interconnexion et l'architecture d'interconnexion correspondante.
Elle constate également que SFR, dans ce schéma, ne maintient pas ses conclusions portant sur l'interconnexion aux PRO de France Télécom et sur les délais de sa mise en oeuvre ; il n'existe donc plus de différend sur ce point.
VIII. - Sur les appels entrants internationaux
...
Pour les motifs suivants :
SFR avait initialement accepté une rémunération fixée seulement à ... (2). Cette situation était acceptable lorsque le trafic entrant international représentait une faible part des appels vers les utilisateurs mobiles, et ne l'est plus dans la mesure où des offres de reroutage international se sont développées, entraînant une forte augmentation de ce type de trafic.
L'Autorité estime ainsi que la rémunération de ... (3) versée par France Télécom à SFR pour la terminaison des appels internationaux est insuffisante et a vocation à augmenter.
L'Autorité constate toutefois que la question du trafic entrant international n'est pas sans lien avec les conditions applicables au trafic entrant national. Ainsi, la négociation entre les parties s'est en premier lieu développée dans un cadre global, intégrant les discussions sur le trafic entrant national et sur le trafic entrant international. L'Autorité constate d'ailleurs que SFR a proposé à France Télécom, notamment dans son courrier en date du 12 mars 1998, des solutions traitant simultanément et de façon indissociable les deux types de trafic. Elle note également que SFR a demandé à l'Autorité, dans le cadre de sa saisine, de déterminer une solution provisoire dont la validité serait limitée à six mois, avec possibilité de négocier à cette échéance une solution consistant à aligner la rémunération pour le trafic entrant international sur la rémunération du trafic entrant national dont elle aurait convenu avec d'autres opérateurs.
L'Autorité considère qu'il est difficile de séparer les négociations sur le trafic entrant national et sur le trafic entrant international. En particulier, elle estime que l'atténuation du phénomène du reroutage international du trafic nécessite deux mesures complémentaires :
- l'augmentation des quotes-parts pour les appels internationaux à destination des mobiles dans le cadre des renégociations des accords bilatéraux que France Télécom peut avoir avec ses partenaires étrangers ;
- la diminution du prix des appels nationaux à destination des mobiles.
Dans ce contexte, l'Autorité estime que le désaccord entre les parties sur la rémunération de SFR pour le trafic entrant international aurait pu éventuellement être résolu si un accord avait été trouvé sur la rémunération des appels entrants nationaux. Le désaccord de principe opposant les deux parties sur le schéma d'interconnexion du trafic entrant national ne leur a pas permis d'aborder utilement la question du trafic entrant international. La réponse donnée aux parties par la présente décision concernant le schéma d'interconnexion applicable au trafic entrant national offre à France Télécom et à SFR une nouvelle base pour la négociation sur leur trafic entrant international.
Elle constate toutefois que France Télécom a négocié avec certains de ses partenaires des accords instituant l'existence d'une surtaxe pour les appels à destination des mobiles. Elle estime équitable que lorsque cette surtaxe s'applique elle soit pour la plus grande part reversée par France Télécom à SFR.
En conséquence, dans les cas où France Télécom a signé ou signera avec un opérateur étranger un accord instituant une rémunération supplémentaire pour les appels à destination des mobiles, France Télécom reversera à SFR 90 % du montant des rémunérations brutes supplémentaires dues par l'opérateur étranger, au prorata du volume de trafic à destination des mobiles de SFR dans le volume total de trafic à destination des mobiles pendant une durée de trois mois à compter de la date de la présente décision.
IX. - Sur la mise en oeuvre de la présente décision
Les parties mettront la convention d'interconnexion qu'elles ont conclue en conformité avec la présente décision avant le 1er juin 1999,
Décide :
Art. 1er. - L'exception d'irrecevabilité opposée par France Télécom aux conclusions de SFR sur le trafic entrant international est rejetée.
Art. 2. - SFR propose à France Télécom une offre d'interconnexion pour la terminaison des appels issus du réseau de France Télécom et destinés aux abonnés de SFR.
Art. 3. - Dans les cas où France Télécom a signé ou signera avec un opérateur étranger un accord instituant une rémunération supplémentaire pour les appels à destination des mobiles, France Télécom reversera à SFR 90 % du montant des rémunérations brutes supplémentaires dues par l'opérateur étranger, au prorata du volume de trafic à destination des mobiles de SFR dans le volume total de trafic à destination des mobiles pendant une durée de trois mois à compter de la date de la présente décision.
Art. 4. - Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de SFR portant sur l'interconnexion aux PRO de France Télécom et sur les délais de sa mise en oeuvre.
Art. 5. - Le surplus des conclusions présentées par SFR et le surplus des conclusions présentées par France Télécom sont rejetés.
Art. 6. - Les parties mettront la convention d'interconnexion qu'elles ont conclue en conformité avec la présente décision avant le 1er juin 1999.
Art. 7. - La présente décision sera notifiée à France Télécom et à la Société française du radiotéléphone et rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.
Fait à Paris, le 1er mars 1999.